[Jurisprudence CIR] Mise à disposition de personnel
Des arrêts qui éclairent sur les modalités de contractualisation et de facturation entre deux sociétés se prêtant du personnel
Si l’arrêt Intuigo du Conseil d’Etat (n°390652, 25/01/17) avait donné le cadre de l’éligibilité au CIR de la mise à disposition de personnel, actant notamment que le personnel éligible ne se limitait pas forcément à celui de la société déclarante, et qu’il devait travailler dans les locaux de la déclarante et avec les moyens de celle-ci, plusieurs zones d’ombre demeuraient quant aux justificatifs à produire.
La cour administrative d’appel (CAA) de Versailles a notamment donné des jugements en défaveur des sociétés qui ne parvenaient pas à prouver la localisation des travaux, la nature des travaux réalisés ou encore la qualification du personnel détaché (arrêts 17VE02004 du 03/10/2019, SARL Intuigo et 18VE00740 du 07/11/2019, SARL Biscuiterie de la Cote d’Opale).
Deux arrêts récents viennent d’apporter des éclairages :
- Arrêt 19NC01780 du 12/11/20, SAS Financière d’Epinant : l’administration avait rejeté de la valorisation CIR la mise à disposition intra-groupe arguant sur la base de la convention entre les deux sociétés, que la refacturation se faisait avec une marge de 10% et contrevenait donc les dispositions de l’article L. 8241-1 du code du travail interdisant le prêt de main d’œuvre à but lucratif. Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait admis ces dépenses, minorées de la marge de 10% (jugements n°1702115 et 1800110 du 28/02/2019).
La cour, jugeant que l’article 244 quater B (qui encadre le CIR) n’impose pas que la mise à disposition se fasse sans marge, et l’administration n’ayant pas contesté que les travaux avaient eu lieu dans les locaux de la société et avec ses moyens, valide la décision du tribunal.
La cour rappelle aussi que la société qui prête son personnel ne peut inclure le montant qu’elle facture au titre du détachement dans son propre CIR.
- Arrêt 19NT00453 du 05/11/20, SAS Kaufler-SMO International : un chercheur a été au cours d’une même année salarié de la société Kaufler, puis mis à disposition de celle-ci par la société MBI qui détient 50% des parts de Kaufler, via une convention de management. L’administration n’a pas contesté que l’activité du salarié était restée la même suite à ce changement de cadre et de ce fait, il était considéré comme exerçant toujours dans les locaux de Kaufler. Cette dernière a valorisé le chercheur mis à disposition en ne retenant que la part de son salaire chargé relative à des activités éligibles au CIR.
La cour valide ainsi le jugement du tribunal administratif d’Orléans qui avait donné raison à la société. Elle note par ailleurs que le fait que le document qui encadre la mise à disposition soit un contrat de mandat régi par les articles 1984 et suivants du code civil et non une convention de mise à disposition est sans incidence ; de même le fait que les factures fassent apparaitre simplement un montant forfaitaire sans mention du nombre d’heures ni du projet concerné, du moment que la société ne retient que la part du salaire chargé éligible aux projets CIR et que cela n’a pas été remis en cause par l’administration.