Rapport de la Direction Générale du Trésor sur la réforme du CIR de 2008
Le CIR a été l’objet cet été d’études de la CNEPI et d’un groupe de travail de l’Assemblée Nationale, et dont les conclusions, peu encourageantes sur l’efficacité du dispositif, donnent des arguments aux partisans d’un CIR taillé pour les PME ou pour certains secteurs, dans le cadre du projet de loi de finances 2022.
Dans ce contexte, une étude de la Direction Générale du Trésor était attendue, pour chiffrer l’effet de la réforme de 2008 via un modèle macroéconomique non encore utilisé (le modèle Mésange), comparer avec les résultats des modèles récemment utilisés dans les rapports précédents de la CNEPI, et expliquer en quoi la France apparait en retard en termes de dépenses de R&D par rapport au PIB.
Suite à la réforme de 2008, le coût du CIR a fortement augmenté, passant de 1,8 Md€ en 2007 à 6,5 Md€ en 2018. Entre 2005 et 2019, la DIRDE française est passée de 22,5 Md€ à 32,2 Md€, soit de 1,27 à 1,45 point de PIB.
Les auteurs précisent que mettre en évidence les effets propres du CIR ou de sa réforme de 2008 est particulièrement complexe. En raison de sa nature très large et non discriminante, il est difficile de définir un scénario contrefactuel sans faire d’hypothèses fortes, tout comme il est difficile de comparer les entreprises bénéficiaires à un groupe d’entreprises témoin ne bénéficiant pas du CIR mais ayant des caractéristiques similaires. En outre, les effets de l’innovation sur les variables économiques (productivité notamment) sont particulièrement difficiles à mesurer et les variables utilisées pour mesurer l’innovation sont souvent imparfaites (nombre de brevets, introduction de nouveaux produits sur le marché…).
Cependant, la réforme du CIR aurait permis d’accroître l’activité de 0,5 point de PIB et de créer 30 000 emplois 15 ans plus tard, les effets mettant du temps à se matérialiser. À plus long terme, la réforme permettrait de rehausser l’activité de 0,8 pt de PIB et de créer 60 000 emplois. Ces effets prennent en compte le financement de la réforme via une baisse des dépenses publiques hors CIR. Ils demeurent toutefois entourés d’une forte incertitude.
Le retard en dépenses intérieures en R&D de la France s’explique notamment par la dépense intérieure en R&D des entreprises qui s’établissait, en 2018, à 1,44 % de PIB en France contre 1,72 % de PIB en moyenne pour les pays de l’OCDE. Cet écart peut s’expliquer comptablement par la structure productive française composée d’industries de basse et moyenne technologie (agroalimentaire, bois, etc.) où les opportunités d’investissement en R&D sont plus rares. Une fois corrigé de cette structure productive, les entreprises industrielles françaises s’avèrent intensives en R&D, bien au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE. À titre d’illustration, si la France avait la structure économique de l’Allemagne, l’investissement en R&D des entreprises françaises atteindrait près de 2,6 % du PIB, bien au-delà des objectifs de Lisbonne (2 % du PIB). Toutefois, la structure de l’économie française peut aussi être partiellement endogène à la R&D passée des entreprises industrielles.
Au total, la réforme du CIR de 2008 induirait une augmentation de 0,35 % de la productivité du travail au niveau de l’ensemble de l’économie, soit la somme des effets directs de l’innovation (0,25 %) et des effets de diffusion de l’innovation (0,10 %), les auteurs ajoutant que les technologies issues de l’innovation se diffusent à tout un secteur, et que toutes les entreprises d’un marché sont incitées à innover pour ne pas perdre des parts de marché. Le CIR pourrait donc être une locomotive tirant même les sociétés qui n’en bénéficient pas.