[CIR] Jurisprudence fin 2021 – Dépenses de personnel
Plusieurs arrêts marquants de cours d’appel nous ont paru intéressants à partager car ils soulignent le détail dans lequel peuvent aller les inspecteurs ou experts lors de vérifications du CIR. La tendance est claire, un passage au peigne fin de certains personnels valorisés : la nature de leur activité, leur compétence au regard des activités ou encore leur production sur le projet. Autant d’aspects qui peuvent s’avérer complexes à justifier si l’on ne capitalise pas bien sur les documents.
CAA de PARIS, 9ème chambre, 28/01/2022, 20PA01783, SCA Compagnie Chomarat
Après avoir réussi à prouver que le projet R&D remis en cause par l’administration était éligible, la société a tenu à prouver qu’un de ses salariés, dont la présence sur le projet admis était critiquée par l’administration, était nécessaire aux travaux.
En l’occurrence, il s’agissait d’un technicien R&D, agent de maîtrise de niveau 3 de la convention de l’industrie textile. Si la société soutenait que la personne disposait des qualifications techniques appropriées et que ses connaissances de la fibre textile et de sa fabrication ont assuré un soutien technique indispensable aux opérations de recherche sur le projet, elle n’a produit aucun élément de nature à établir que ce salarié a directement prêté son concours aux équipes scientifiques et que sa compétence professionnelle était indispensable à la conduite de ces opérations, et qu’il pouvait dès lors être qualifié de technicien de recherche. Les juges ont donc refusé son éligibilité au CIR.
Rappelons que s’agissant de la définition des techniciens de recherche, le Conseil d’Etat avait apporté il y a un an les compléments suivants :
« Peuvent être qualifiés de techniciens de recherche les salariés qui réalisent des opérations nécessaires aux travaux de recherche ou de développement expérimental éligibles au crédit d’impôt recherche, sous la conduite d’un ou plusieurs chercheurs qui les supervisent, sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’ils ne disposeraient pas d’un diplôme ou d’une qualification professionnelle dans le domaine scientifique« .
Cet arrêt illustre bien la nécessité d’apporter des justificatifs afin d’étayer les propos des sociétés : le CV, diplôme, fiche de poste, les suivis de temps, un organigramme affichant la participation d’une personne à un projet ou dans une équipe, des comptes-rendus signés de réunions, etc., aideront à prouver la participation de personnels aux activités R&D, et que leur compétence s’est révélée nécessaire aux travaux R&D.
CAA de PARIS, 2ème chambre, 23/12/2021, 20PA02341, sté. Athis
Constatant diverses anomalies dans les dossiers fournis, notamment en matière de justification du temps de travail du personnel affecté aux opérations de recherche, l’administration a réduit le montant de CIR des années considérées. La société avait, au cours des contrôles, évalué de façon forfaitaire le temps de travail consacré aux travaux de recherche par les salariés, au moyen d’un pourcentage global par année et a produit en appel des relevés d’heures qui auraient été reconstitués à partir de feuilles de temps manuscrites (non présentées aux juges). Compte tenu des seuls tableaux produits qui ne permettent pas de justifier la réalité et le détail du temps passé par les personnels en cause à l’activité de recherche, et les personnes remises en cause étant aussi chargées d’autres fonctions au sein de la société, les juges concluent à l’inéligibilité au CIR de ces salariés.
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 17/12/2021, 19VE02932, SAS Trimane
Lors d’un contrôle sur une société spécialisée en informatique, un expert du ministère de la recherche avait exclu certaines dépenses de personnel, au motif que seules étaient éligibles les dépenses relatives aux personnels présentant un niveau de technicité en informatique décisionnelle compatible avec la réalisation d’une activité R&D dans ce domaine, ce niveau ayant été apprécié par l’expert à la lecture des éléments fournis dans le dossier (copie des diplômes, expériences indiquées dans les CV).
Ainsi, un titulaire d’un DEA en économie industrielle, microéconomie et économétrie, un titulaire d’un master d’économie, spécialité techniques d’information et de décision dans l’entreprise, et un diplômé de master 1 spécialité financial markets & Investment, tous trois recrutés en qualité d’ingénieurs d’études, doivent pouvoir être regardés comme des chercheurs, eu égard à leurs qualifications et à leur expérience acquise dans l’entreprise.
Cependant, la société ne prouve pas selon les juges que ces salariés ont directement participé aux projets de recherche éligibles au CIR, la circonstance que leurs dépenses auraient été admises pour le calcul des CIR dont a bénéficié la société par le passé sur d’autres projets de recherche étant sans incidence à cet égard.
CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 07/12/2021, 19VE04104, SASU Prescom
Un directeur industriel au diplôme d’ingénieur, a pointé son temps sur des projets dont ses activités étaient libellées :
- étude technique pour adapter le produit M5ST,
- étude technique pour l’ouverture des fonctions d’interconnexion au contexte technique RATP Graal,
- étude technique pour l’ouverture des fonctions d’interconnexion au contexte technique Dubaï,
- étude de l’architecture STIB
- activités pour lesquelles les juges estiment qu’elles peuvent entrer dans le champ des recherches éligibles au CIR.
Mais cette personne a consacré son temps à de la gestion de projet, ce qui ne permettrait pas, toujours selon les juges, de le regarder comme ayant été affecté directement et exclusivement aux opérations de recherche.
Le jugement a été identique pour d’autres salariés : l’inéligibilité de leur temps a été actée du fait du rattachement de leurs pointages à de la gestion de projet, ou à des tâches non éligibles au CIR, ou du fait de l’absence de précisions quant au temps passé sur des tâches de type Documentation ou Validation.
Les juges relèvent également que la société n’a pas établi que le soutien des techniciens était nécessaire aux travaux de R&D, les écartant ainsi du CIR.
CAA de LYON, 5ème chambre, 02/12/2021, 19LY03191, (SARL) industrielle construction mécano-soudée et mécanique (SICMM)
L’administration avait remis en cause des dépenses de personnel en l’absence de justification de la qualification de ces personnes, au motif qu’ils n’avaient pas acquis au sein de l’entreprise des compétences les assimilant, par le niveau et la nature des activités, à des ingénieurs, et que la société ne réalisait pas d’opérations de recherche éligibles au CIR. Les projets ont été jugés non éligibles par la cour d’appel, et faute de pouvoir établir l’existence d’une activité de recherche éligible au CIR, la qualification d’ingénieur ou technicien ne peut être reconnue aux personnes ayant participé aux travaux concernés.