[Jurisprudence CIR] Éligibilité des dépenses non exposées directement par l’entreprise dans le cadre d’une sous-traitance « en cascade »

Dans une décision du 26 juillet 2023, le Conseil d’État a jugé que, lorsqu’une entreprise confie à un organisme de recherche public ou privé agréé l’exécution de prestations nécessaires à la réalisation d’opérations de recherche qu’elle mène, les dépenses engendrées peuvent être prises en compte dans le calcul de son CIR, même si les coûts ont été supportés par son co-contractant. Attention, cette décision vaut pour le mode de calcul du CIR qui précède les changements intervenus à partir de 2020, et qui restreignent les activités sous-traitées éligibles aux prestataires agréés CIR, même pour ceux de rangs 2 et suivant.

Les faits

La société Cap Consult 2020 se pourvoit en cassation contre l’arrêt du Tribunal administratif (TA) de Versailles par lequel il a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d’impôts sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie en conséquence de la remise en cause du CIR dont elle a bénéficié au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

En l’espèce, la société requérante avait signé un marché avec le Centre national d’études spatiales (CNES) en vue de la réalisation d’un projet de recherche. Pour l’exécution de ce marché, le CNES avait passé un accord de consortium avec quatre autres organismes de recherche, dont il a pris en charge les prestations.

Le TA de Versailles en a conclu que la société Cap Consult 2020 ne pouvait valoriser les dépenses relatives à ces prestations dans le calcul de son CIR, ces dernières ayant été directement exposées par le CNES.

Le jugement du Conseil d’État

Après avoir rappelé les dispositions de l’article 244 quater B, II d et d bis du Code général des impôts (CGI) dans leur rédaction applicable au litige, aux termes desquelles les « dépenses exposées pour la réalisation d’opérations confiées à des organismes de recherches publics », les « dépenses exposées [par] des organismes de recherche privés agréés » et celles exposées par des « experts scientifiques ou techniques agréés » sont éligibles au CIR, le Conseil d’État annule l’arrêt du TA de Versailles pour erreur de droit.

Par suite, le Conseil d’Étatconsidère que les dépenses réalisées par un organisme de recherche public ou privé agréé auquel le sous-traitant direct de la société a eu recours, pour exécuter son contrat avec cette dernière, dans le cadre de prestations nécessaires à la réalisation d’une opération de recherche, peuvent être valorisées au titre du CIR par la société donneuse d’ordre, même si elle ne les a pas supportées.

Analyse

Dans sa rédaction applicable au litige, l’article 244 quater B du CGI n’interdisait pas à une entreprise de bénéficier du CIR sur les opérations de recherches réalisées pour le compte d’un organisme privé agréé, sauf à ce que l’administration invoque un montage constitutif d’une fraude à la loi. Le Conseil d’État avait jugé en ce sens dans une décision Groupe Hays du 9 juin 2020 (CE, 9 juin 2020, Groupe Hays France, n° 427441).

Depuis la loi de finances pour 2020, qui a modifié l’article 244 quater B du CGI, cette structure de sous-traitance « en cascade » est davantage encadrée. Elle est désormais limitée à la prise en compte des dépenses dites de « rang 2 » : un organisme de « rang 1 » est un organisme public ou privé agréé avec lequel l’entreprise donneuse d’ordre passe un contrat de sous-traitance. Cet organisme peut lui-même externaliser certaines opérations de recherche à des organismes publics ou privés agréés, de « rang 2 ». Les dépenses exposées par l’organisme de « rang 1 » peuvent alors être valorisées dans le calcul du CIR de la société donneuse d’ordres.

Ces dépenses ne sont éligibles qu’à deux conditions prévues par l’article 244 quater B, II d bis du CGI :

  • Il s’agit de dépenses nécessaires à la réalisation des opérations de recherche ;
  • Ces dépenses ont été exposées par des organismes de recherche publics agréés, des organismes de recherche privés agréés ou des experts scientifiques ou techniques agréés.

L’article précité précise que ces dépenses sont retenues dans la limite de trois fois le montant total des autres dépenses de recherche ouvrant droit au CIR.

Pour la valorisation de ces dépenses, il est donc important de s’assurer contractuellement que les organismes agréés sous-traitants qui souhaiteraient à leur tour externaliser certaines prestations aient recours à des organismes répondant également aux conditions d’éligibilité au CIR.

Source : CE, 26 juillet 2023, Cap Consult 2020, 466493