Le verdissement du CIR à nouveau envisagé par le groupe Renaissance en vue de la préparation du budget pour 2024
Les députés de la majorité envisagent de proposer des modifications ou des suppressions de niches fiscales qui seraient défavorables à l’environnement, à l’occasion de l’examen du budget pour 2024 au Parlement cet automne. Ils n’excluent pas d’y inclure le CIR.
Interrogé ce dimanche 27 août 2023 sur Radio J, le président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, Sylvain Maillard, a annoncé avoir engagé une réflexion sur les niches fiscales au regard de leur contribution ou non au verdissement de l’économie. Selon lui, chacune de ces dépenses fiscales doit orienter « le comportement du producteur ou du consommateur pour que ce soit un comportement écologiste ». Cette réflexion s’intègre également dans la nécessité de conjuguer financement de la transition écologique et « orthodoxie budgétaire » afin de ramener le déficit public sous les 3% en 2027, comme l’ambitionne le gouvernement.
Il a précisé qu’une « trentaine » de niches étaient à ce stade susceptibles de faire l’objet d’une proposition de modification ou de suppression sur la base de ce critère, parmi lesquelles figure le CIR. Sylvain Maillard déclare en effet souhaiter, « à titre personnel », que le CIR soit « regardé à travers le prisme du verdissement de l’économie ».
Que signifie le « verdissement » du CIR ?
Le verdissement du CIR implique d’en conditionner le bénéfice aux projets compatibles avec la transition écologique.
Pour rappel, le « verdissement » du CIR a déjà été débattu lors du vote de la loi de finances pour 2023 et plus récemment de l’examen du projet de loi Industrie Verte. Il a cependant été abandonné en raison de la complexité de la définition de ses modalités et de son application.
Il s’agit également d’une piste de réflexion fréquemment citée dans les rapports, comme celui du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur la fiscalité et l’innovation publié en 2022.
À titre d’exemple, le CPO propose deux mécanismes cumulatifs :
- Un mécanisme coercitif consistant à conditionner l’octroi du CIR à un projet de recherche qui ne porte pas atteinte à l’environnement ;
- Un mécanisme incitatif consistant à introduire un taux majoré pour le CIR aux dépenses de R&D relatives à des projets de recherche en faveur de l’environnement.
Souvent envisagé mais jamais encore concrétisé, la mise en place du verdissement du CIR comporte en réalité des difficultés à trois niveaux principaux (détaillées dans une publication de l’Institut Montaigne) :
- La définition des critères « verts » :
Tout d’abord, le verdissement supposerait la mise en œuvre de critères communs au large spectre de secteurs d’activités des entreprises bénéficiaires, allant de l’industrie à la défense, afin de distinguer les projets « verts » de ceux qui ne le seraient pas. Cela implique d’engager une vaste réflexion sur le périmètre retenu : est-ce le caractère « vert » du projet, du matériel utilisé, ou du secteur d’activités de l’entreprise qui doit être retenu ?
Par ailleurs, il semble a priori contre-intuitif de limiter des projets de recherche dont on ne connaît pas à l’avance la nature des innovations auxquelles elles vont aboutir, et qui pourraient in fine contribuer à la transition écologique.
- La contrôle par l’administration fiscale :
La mise en œuvre d’un CIR « vert » implique l’adaptation des capacités de contrôle de l’administration fiscale. Il pose également la question de la mise en place ou non d’un nouvel agrément à obtenir pour les entreprises.
- La validation par la Commission européenne au regard du régime des aides d’État :
En l’état actuel, le CIR n’est pas considéré comme une aide d’État dans la mesure où il peut bénéficier à toutes les catégories d’entreprises, quels que soient leurs secteurs d’activité. En revanche, une restriction des conditions d’éligibilité pourrait amener la Commission européenne à changer sa position à ce sujet.
L’entrée en vigueur de telles modifications du CIR pourrait donc être conditionnée à la validation de la Commission européenne qui vérifiera qu’elles ne faussent pas la concurrence en favorisant certaines entreprises ou productions plus que d’autres.
Outre le risque d’une requalification en aide d’État, une telle limitation pourrait par ailleurs rompre avec le dessein originel du dispositif. Certains considèrent en effet que le CIR n’a pas pour objectif de cibler des projets ou des secteurs spécifiques. Au contraire, son intérêt réside dans son caractère générique, laissant les entreprises engager librement les recherches qui les intéressent pour leurs activités. C’est encore la généricité du dispositif qui permettrait son verdissement naturel, du fait de l’évolution de la demande et de la logique de concurrence. Laissons donc le CIR se verdir de lui-même, comme le plaide l’économiste spécialiste du CIR à l’ANRT Pierre Bitard. Nous verrons lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 s’il est écouté. La proposition de Sylvain Maillard est davantage une piste de réflexion, qui devra passer par le filtre de l’arbitrage du gouvernement et des députés du groupe Renaissance avant de pouvoir être officialisée sous la forme d’une disposition du projet de loi de finances ou d’un amendement le cas échéant.