PLF 2024 – Entrée en vigueur de la loi de finances pour 2024, sans modification pour le CIR mais avec l’introduction d’un nouveau crédit d’impôt et des évolutions pour le statut JEI
La loi de finances pour 2024 est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2024. Le gouvernement n’a pas retenu les amendements tendant à limiter le dispositif CIR qui ont été déposés au cours de l’examen parlementaire. Toutefois, le texte introduit plusieurs nouveautés pour le financement de l’innovation.
La loi de finances pour 2024, qui avait été adoptée en lecture définitive le 21 décembre 2023 après recours à l’article 49.3 de la Constitution, contient une évolution du statut « Jeune entreprise innovante » (JEI) et confirme la création du nouveau crédit d’impôt industrie verte, dans une version plus précise que dans le projet initial.
Le renforcement du statut JEI et la suppression de l’exonération d’impôts pour les JEI créées après le 31 décembre 2023
Le texte introduit une nouvelle catégorie d’entreprises éligibles au statut JEI. Il s’agit des entreprises qui réalisent des dépenses de recherches (telles que définies par les articles 244 quater B ou 244 quater B bis) représentant entre 5 et 15% de leurs charges et qui satisfont à des indicateurs de performance économique définies ultérieurement par décret (article 44).
Les entreprises visées sont celles qui remplissent les conditions pour être qualifiées d’entreprises à fort potentiel de croissance.
Le texte renforce également l’accès à la commande publique des JEI. Il complète l’article L. 2172‑3 du code de la commande publique pour ajouter les travaux, services et fournitures qu’elles proposent dans la liste des solutions qui peuvent faire l’objet d’un partenariat d’innovation avec les acheteurs publics (article 44)
Enfin, le gouvernement a conservé dans le texte final l’amendement supprimant l’exonération d’impôt sur le revenu et d’impôt sur les sociétés dont bénéficient les JEI, pour celles qui seront créées après le 31 décembre 2023 (article 61).
Il n’a finalement pas retenu la création de la nouvelle catégorie de JEI, les « Jeunes entreprises d’innovation et de rupture » (JEIR), ni la baisse à 10% du volume de dépenses de recherche pour accéder au statut JEI, pourtant adoptés en première lecture.
La création du crédit d’impôt industrie verte (C3IV)
Rappel du dispositif
La loi de finances pour 2024 introduit un nouveau crédit d’impôt (article 35) : le crédit d’impôt industrie verte (C3IV).
Il s’agit d’un dispositif temporaire, encadré par la Commission européenne au titre des assouplissements des règles européennes en matière d’aides d’État (Temporary crisis and transition framework – TCTF) visant à soutenir l’économie des États membres face aux répercussions du conflit en Ukraine sur le modèle de l’Inflation Reduction Act (IRA) américain.
Le but du C3IV est d’encourager la construction en France d’usines de production des équipements stratégiques pour la transition vers une économie décarbonée : les batteries, panneaux photovoltaïques, éoliennes et les pompes à chaleur.
Ce crédit d’impôt s’adresse ainsi aux entreprises industrielles et commerciales qui produisent des batteries, panneaux photovoltaïques, éoliennes et pompes à chaleur, ainsi que les composants et matières premières qui sont nécessaires à leur conception.
Le gouvernement n’a pas retenu la proposition du Sénat d’y intégrer les producteurs d’électrolyseurs et de technologies de captage, stockage et utilisation du CO2.
L’assiette du C3IV est composée des dépenses d’investissement en vue de la production et de l’acquisition des actifs corporels ou incorporels suivants : bâtiments, installations, machines, équipements, terrains et droits de brevet, licences, savoir-faire ou autres droits de propriété intellectuelle.
Le taux normal est de 20% du coût d’achat. Il est porté à25 % pour les investissements réalisés dans les ZAFR (zones d’aide à finalité régionale) et à 40% dans les régions ultrapériphériques.
Pour pouvoir en bénéficier, les entreprises intéressées doivent obtenir l’agrément de leur plan d’investissement par l’administration fiscale avent le 31 janvier 2025.
Dernières modifications du C3IV dans le texte final
Pour prendre en compte les recommandations de la Commission européenne, avec laquelle le gouvernement a échangé tout au long de l’examen parlementaire, certains paramètres du dispositif ont été précisés dans le texte final :
- Pour la production de batteries, l’éligibilité est conditionnée à la fabrication des cellules, afin de concentrer l’aide publique sur les projets se positionnant en amont de la chaîne de valeur de la filière, davantage que sur la seule production de modules. L’éligibilité de l’extraction, de la production et de la valorisation des matières premières des batteries est également conditionnée à leur recyclage : leur récupération finale sous forme de métaux doit être assurée ;
- Concernant l’assiette du C3IV, les autorisations d’occupation temporaire du domaine public constitutives d’un droit réel sont ajoutées à la liste des actifs corporels dont l’acquisition peut ouvrir droit au C3IV Cela concerne notamment le secteur de l’éolien, dont les projets d’investissement peuvent être réalisés dans le domaine public. La redevance que devra l’investisseur à l’autorité publique propriétaire du terrain qu’il occupera sera prise en compte dans les dépenses éligibles au dispositif ;
- Le montant total du crédit d’impôt ne peut excéder 150 millions d’euros par entreprise, hors zone spécifique. Le texte final précise que le respect de ce plafond par entreprise s’apprécie en totalisant l’ensemble des aides d’État obtenues par des entreprises qui ne sont pas considérées comme autonomes au sens du 1 de l’article 3 de l’annexe I du Règlement général d’exemption par catégorie de la Commission européenne.
Avant d’entrer en vigueur, le C3IV devra être validé par la Commission européenne. Au regard des échanges continus dont le dispositif a fait l’objet, celle-ci pourrait arriver rapidement.
L’absence de modification du CIR, mais des demandes de recentrage du dispositif de plus en pus partagées
Le texte prévoit qu’un rapport soit remis au Parlement par le gouvernement, au cours de l’année à venir, au sujet des moyens à mettre en œuvre pour éviter que des dépenses éligibles au CIR soient effectuées en dehors de l’Union européenne (article 49 septvicies ; l’amendement, déposé par Jean-René Cazeneuve et qui a motivé cette mesure, parlait de schémas d’optimisation observés par les services de contrôle).
Le gouvernement a ainsi écarté l’ensemble des amendements qui introduisaient des changements d’envergure pour le CIR, adoptés à l’Assemblée nationale et déposés par des formations politiques allant de la NUPES au RN, en passant par Renaissance :
- Introduction d’un nouveau taux de CIR à 15% pour la tranche de dépenses entre 50 et 100 M€ (Amendement n°I-4399) ;
- Exclusion des entreprises du secteur financier du bénéfice du CIR (Amendement n°I-CF162);
- Création d’un nouvel indicateur de performance pour évaluer les « sommes véritablement allouées à la recherche » (Amendement n°II-CF1980).
Plusieurs amendements relatifs au verdissement du CIR ou à un plus grand ciblage des PME ont également été déposés, sans être adoptés.
De la même manière, au Sénat, la commission des affaires économiques a déploré l’absence de réforme du CIR dans le texte.
Au vu de la généralisation de la demande d’un recentrage du CIR, des évolutions sont à surveiller dans les textes à venir, notamment à l’occasion de la révision de la loi de programmation de la recherche, même si le gouvernement tient pour l’instant sa position protectrice à l’égard du dispositif.
Source : Loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024