[Jurisprudence CIR] Dans le cas d’un projet transverse entre plusieurs entités d’un même groupe, il est essentiel de démontrer la participation directe de chacune d’entre elles

Un arrêt de la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris SAS Oscar du 13 décembre 2023 rappelle que dans le cas d’un projet inter-entités, il ne suffit pas qu’il soit éligible pour une entité pour qu’il le soit pour une autre. Chaque entité doit être en mesure de démontrer qu’elle a mené des activités de recherche en son nom propre et avec ses propres compétences. À cet égard, la seule participation au projet d’un salarié exerçant des fonctions de direction peut ne pas s’avérer suffisante.

Les faits

Dans cette affaire, la société requérante demande à la Cour de prononcer la restitution complémentaire de CIR dont elle s’estime titulaire dans le cadre d’un projet mené en collaboration avec sa filiale.

L’administration fiscale avait rejeté ces dépenses au motif que la société ne justifiait pas avoir réalisé par ses moyens des travaux de R&D, pour son propre compte ou pour celui de sa filiale qui lui en aurait confié la réalisation.

Pour rappel, l’article 244 quater B du CGI dispose que seule l’entreprise qui expose les dépenses de recherche éligibles, qu’elle effectue les opérations de recherche pour son propre compte ou pour le compte d’une entreprise qui lui en confie la réalisation, est en droit de bénéficier du CIR.

Le jugement de la Cour

La société requérante soutient que c’est par le biais de son président qu’elle participé aux travaux de R&D menés en collaboration avec sa filiale.

Pour preuve, elle produit les justificatifs suivants :

  • Les dossiers techniques afférents aux projets ;
  • Les fiches de paie de son président, qui ne font toutefois pas apparaître qu’il aurait été rémunéré au titre d’une activité de R&D autre que ses fonctions de direction.

Par suite, la Cour juge que ces documents sont insuffisants pour démontrer que la société requérante aurait réalisé des travaux de R&D dans ce cadre.

Par ailleurs, elle souligne que :

  • La société requérante n’a déclaré qu’une activité de holding ;
  • Il n’est pas démontré que le président soit titulaire d’un diplôme d’ingénieur en informatique ou qu’il aurait acquis une expérience dans ce domaine ;
  • Le CIR que l’administration a remboursé à la société requérante l’a été exclusivement au nom de sa filiale.

La Cour rejette donc la requête de la société.

Analyse

Cet arrêt rappelle qu’en l’absence de contrat et de documents justifiant précisément l’existence de travaux de R&D pour chaque entité et un lien entre les dépenses déclarées et les tâches réalisées, il peut s’avérer difficile de valoriser les dépenses engagées dans le contexte d’un projet inter-entités.

Il ne suffit pas qu’un projet soit déclaré éligible au CIR pour une entité, pour qu’une autre société puisse prétendre à son bénéfice (voir aussi CAA de Douai, 16 mars 2023, Asi Conseils, 21DA02127).

En outre, la valorisation de dépenses de personnel afférentes à un PDG sur un projet doit s’appuyer sur des justificatifs démontrant sa participation directe à des opérations de R&D (qui ne correspondent pas exclusivement à du pilotage ou de la participation à des comités de projet), au moyen par exemple de fiches de paie détaillées faisant état d’une activité de R&D ou d’une fiche de poste illustrant ses qualifications scientifiques. Un diplôme technique ou un CV avec des expériences scientifiques notables aurait en outre participé à convaincre un peu plus l’administration fiscale.

Toutefois, il est à noter qu’il est en général complexe de valoriser des salariés exerçant d’autres fonctions que des fonctions techniques.

Source : CAA de PARIS, 13 décembre 2023, SAS Oscar, 22PA01809