Aides publiques et performance des entreprises nées mondiales
L’Insee cherche à mettre en évidence le lien entre les aides publiques et les performances des entreprises nées mondiales, c’est-à-dire des entreprises qui s’internationalisent très tôt et intensivement.
Pour se faire, l’organisme utilise un ensemble de données unique qui combine des informations sur les activités de production, d’exportation et d’innovation des entreprises manufacturières françaises, ainsi que sur les aides publiques qui leur sont accordées par Bpifrance.
Cette étude s’appuie sur trois sources principales de base de données microéconomiques :
- La base FICUS‑FARE, constituée par l’Insee, couvre l’ensemble des entreprises françaises relevant des régimes fiscaux du Bénéfice Réel Normal et RSI (indépendants) et, depuis 2008, le régime micro‑BIC4. Elle contient des renseignements comptables clés sur les entreprises, comme le chiffre d’affaires, la valeur ajoutée et le nombre de salariés.
- La base LIFI (Liaisons Financières), constituée également par l’Insee, s’appuie quant à elle sur une enquête et permet de compléter les informations sur les entreprises par des renseignements sur la structure de propriété des entreprises. Plus précisément, elle nous permet de déterminer si les entreprises sont indépendantes ou s’il s’agit de filiales au sein d’un groupe national ou étranger.
- Des données détaillées sur les exportations au niveau de l’entreprise tirées des registres des douanes françaises. Ces données recensent les produits exportés par chaque entreprise et les pays de destination.
Par la suite, il est possible de corréler ces bases de données, fournies par l’INSEE ainsi que les douanes, avec les données détaillées relatives aux aides publiques fournies par Bpifrance décrivant le type, le montant et le calendrier des aides publiques que Bpifrance a attribué aux entreprises françaises. Les informations fournies dans la base de données Bpifrance nous permettent de faire la distinction entre plusieurs instruments, qui diffèrent soit au niveau du type (prêts ou subventions), soit au niveau de l’activité ciblée (investissement, internationalisation ou innovation).
BpiFrance propose les aides suivantes :
- Subvention « avances remboursables » afin de soutenir des projets d’innovation dans leur phase de développement.
- Subvention « à l’innovation » afin de soutenir des projets innovants à un stade précoce.
- Les prêts d’investissement, ils visent à financer les investissements en actifs intangibles dont les entreprises ont besoin pour développer leur activité en général.
- Les prêts d’internationalisation, ils visent quant à eux à soutenir spécifiquement la croissance externe sur les marchés étrangers.
- Les prêts d’innovation qui visent à soutenir les entreprises dans le cadre du développement de produits, de services ou de procédés nouveaux et innovants.
Les auteurs construisent un échantillon d’entreprises manufacturières françaises créées entre 1998 et 2015, et les classent en quatre catégories selon leur stratégie d’exportation :
- Les entreprises nées mondiales sont les entreprises dont l’intensité d’exportation s’élève à au moins 20 % pendant au moins un an au cours des trois premières années de leur existence.
- Les exportatrices précoces sont les entreprises qui exportent dans les trois ans suivant leur création, mais dont l’intensité d’exportation est inférieure à 20 % chaque année au cours de cette période.
- Les exportatrices tardives sont les entreprises qui exportent quatre ans ou plus après leur création.
- Les non exportatrices sont les entreprises qui n’ont jamais exporté au cours de notre période d’observation.
Pour être plus précis, les résultats montrent que les entreprises nées mondiales génèrent un chiffre d’affaires plus élevé, emploient plus de salariés et sont plus productives que leurs homologues qui s’internationalisent plus tardivement ou moins intensivement comme montré dans le tableau ci-dessous :
De plus, de nombreuses analyses statistiques des données économiques et leurs résultats ont été réalisé pour montrer le lien entre l’aide publique et les performances des entreprises nées mondiales en France.
Les auteurs utilisent des modèles de régression à effets fixes et des estimateurs récents pour tenir compte des différences de tendance et d’effet de traitement entre les entreprises bénéficiaires et non bénéficiaires d’une aide publique.
Les principaux résultats sont les suivants :
- Probabilité d’obtenir une aide publique : les entreprises nées mondiales sont moins susceptibles de recevoir des prêts d’investissement, mais plus susceptibles de recevoir des subventions à l’innovation et des prêts internationaux que les autres exportatrices.
- Effet de l’aide publique sur les performances : les prêts d’investissement et les prêts internationaux ont un effet positif sur le chiffre d’affaires des entreprises nées mondiales, mais pas sur leur emploi ou leur productivité. Les subventions à l’innovation et les prêts à l’innovation n’ont pas d’effet significatif sur les performances des entreprises bénéficiaires.
- Effet de la stratégie d’exportation sur les performances : les entreprises nées mondiales ont des performances supérieures aux autres exportatrices, notamment en termes de chiffre d’affaires, d’emploi et de productivité. Ces avantages sont liés à l’étendue des exportations, mais pas à la qualité des produits exportés.
Si les auteurs relèvent que les entreprises nées mondiales sont en moyenne plus susceptibles de recevoir une aide publique pour leurs stratégies en matière d’innovation et d’internationalisation et moins susceptibles d’en recevoir pour leurs projets d’investissement, par rapport aux entreprises qui exportent plus progressivement, des pistes de recherche futures sont déjà identifiées :
- Étudier les sources d’inefficacité de l’allocation des aides financières publiques en France
- Étudier davantage dans quelle mesure la relation positive entre l’aide publique et les performances des entreprises nées mondiales est conditionnée par le montant de l’aide financière et par l’utilisation complémentaire de différents dispositifs.