C3IV – La DGFiP précise les modalités de bénéfice du C3IV

Cet article a été co-écrit par Grégoire LE ROY et Mathilde HOUZELLE.

Créé par la loi de finances pour 2024, le crédit d’impôt investissements industrie verte (C3IV) est le premier outil fiscal qui encourage la fabrication sur le territoire d’équipements nécessaires à la production d’énergie renouvelable :  batteries, panneaux photovoltaïques, éoliennes, panneaux solaires. Il s’agit de l’un des dispositifs fiscaux de soutien aux industries vertes les plus incitatifs au sein de l’Union européenne.

En application de l’article 244 quater I du code général des impôts (CGI), Il permet aux entreprises qui produisent ces équipements, ainsi que leurs composants et matières premières, de bénéficier d’un crédit d’impôt de 20% à 60% sur les investissements qu’elles engagent pour acquérir des moyens de production ou d’augmenter leurs capacités de production. Le bénéfice de ce crédit d’impôt est soumis à un l’obtention d’un agrément préalable de la part de l’administration

Dans le BOFiP publié le 03 juillet 2024, l’administration fiscale apporte de nouveaux éléments sur son application au travers de ses commentaires, notamment sur la détermination de l’assiette du C3IV et sur l’agrément.

BOI-BIC-RICI-10-180-10

Pas de nouveauté concernant le respect des six conditions cumulatives requises pour être éligibles, le BOFiP suit l’article 244 quater I du CGI :

  1. Ne pas être, à la date de clôture du dernier exercice précédant la délivrance de l’agrément, une entreprise en difficulté au sens du droit de l’Union européenne ;
  2. Respecter ses obligations fiscales et sociales et l’obligation de dépôt des comptes annuels ;
  3. Ne pas procéder, au cours des deux exercices précédant l’exercice de dépôt de la demande de l’agrément à un transfert vers le territoire national d’activités identiques ou similaires d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;
  4. Ne pas procéder, au cours des cinq exercices suivant l’exercice de mise en service des investissements ayant bénéficié du crédit d’impôt, à leur transfert hors du territoire national ;
  5. Exploiter les investissements éligibles pendant au moins cinq ans en France à compter de leur mise en service (3 ans pour les PME) ;
  6. Exploiter les investissements éligibles dans le cadre d’une activité ayant obtenu les autorisations requises par la législation environnementale, de manière conforme à cette législation.

Seule une précision est apportée au sujet des conditions liées à la relocalisation et à la délocalisation des activités avant et après avoir bénéficié du C3IV : l’administration fiscale indique qu’il y a transfert si :

  • Le produit qui fait l’objet des investissements a en partie les mêmes finalités et répond aux demandes ou aux besoins du même type de consommateurs ;
  • et que des emplois sont supprimés dans l’activité identique ou similaire entre les établissements (§70 et 80).

Le plan d’investissement prévoit qu’au moins 50 % du chiffre d’affaires des projets est réalisé avec des entreprises exerçant des activités de fabrication d’équipements ou de composants essentiels dans les mêmes secteurs.

Le respect de cette condition sera vérifié au moment de la date de délivrance de l’agrément (§280).

BOI-BIC-RICI-10-180-20

L’administration fiscale précise les trois types dépenses qui ne sont pas éligibles au C3IV

  1. Dépenses de remplacement (§40-60)

Le BOFiP précise que seules les dépenses de production ou d’acquisition des investissements initiaux sont éligibles, à savoir : 

  • Tout investissement dans des actifs corporels et incorporels se rapportant à une ou plusieurs des activités suivantes : création d’un établissement, extension des capacités, diversification de la production vers de nouveaux produits, changement fondamental de l’ensemble du processus de production ;
  • L’acquisition d’actifs appartenant à un établissement qui a fermé, ou aurait fermé sans cette acquisition, à l’exclusion de la simple acquisition des parts d’une entreprise.

Une nuance à retenir sur les investissements ayant un impact majeur sur la production

Lorsqu’un investissement de remplacement permet d’augmenter ou de diversifier la capacité de production de l’entreprise (investissement dit « mixte ») ou d’opérer un changement fondamental de l’ensemble du processus de production du ou des produits ou de fourniture du ou des services concernés par l’investissement dans l’établissement, la quote-part de cet investissement correspondant à l’augmentation ou à la diversification de la capacité de production, ou au changement fondamental de processus de production ou de fourniture de services est assimilable à un investissement initial et donc éligible au crédit d’impôt.

Exemple 1 : Une entreprise dispose d’une machine-outil qui permet de produire 100 pièces de type A par heure. L’entreprise souhaite diversifier sa production et la remplace par une nouvelle machine-outil qui conserve la même capacité de production de pièces de type A et produit par ailleurs 60 pièces de type B par heure. Le prix de revient de cette nouvelle machine est de 6 000 € HT. Le montant pouvant être inclus dans l’assiette de calcul du crédit d’impôt est égal à : 6 000 x 60 / (100 + 60) = 2 250 €.

À défaut pour l’entreprise de pouvoir disposer de critères et méthodes permettant de déterminer la part exacte d’augmentation ou de diversification de la capacité de production, il est admis que la quote-part de l’investissement « mixte » éligible au crédit d’impôt puisse être déterminée par la différence entre son prix de revient hors taxes et la valeur brute d’inscription au bilan du bien remplacé.

  • Dépenses engagées avant le dépôt de la demande d’agrément (§70)

Toute demande d’agrément doit être déposée préalablement à la réalisation de l’opération qui la motive.

  • Dépenses présentant un caractère mixte (§80)

Lorsque les actifs corporels et incorporels sont affectés à plusieurs activités dont certaines relèvent de secteurs exclus du champ d’application du C3IV, les dépenses engagées en vue de la production ou de l’acquisition de ces actifs ne sont prises en compte dans l’assiette du crédit d’impôt qu’au prorata de leur affectation aux activités des secteurs admis au bénéfice de la mesure.

Le BOFiP précise également que les dépenses sont prises en compte à hauteur du prix de revient minoré des taxes et frais de toute nature, à l’exception des frais directement engagés pour la mise en état d’utilisation du bien (§90) :

  • Prix de revient (§100)

Le prix de revient correspond à la valeur d’origine de l’élément d’actif immobilisé inscrite au bilan de l’entreprise propriétaire et qui sert, le cas échéant, de base au calcul des amortissements déductibles du résultat fiscal.

Le montant des dépenses admises peut être supérieur à celui estimé dans le plan d’investissement lors de la demande d’agrément initiale.

En effet, l’agrément préalable (BOI-BIC-RICI-10-180-30) délimite les dépenses éligibles au regard du plan d’investissement et fixe le montant de la base du C3IV au regard des éléments présentés à la date de la décision. Toutefois, dès que l’entreprise est en mesure, après cette décision, de justifier le montant des dépenses engagées dans le cadre du plan agréé, elle peut saisir à nouveau le bureau SJCF-3A afin d’obtenir la validation d’un complément d’assiette. La validation de ce complément doit intervenir au plus tard le 31 décembre 2025.

  • Taxes et frais de toute nature (§110-130)

Pour le calcul du montant de C3IV, les taxes qui majorent le coût d’acquisition de l’immobilisation, telles que les droits de douanes ou les taxes non récupérables, sont déduites du prix de revient.

À titre d’exemple, dans l’hypothèse où l’acquisition d’un bien serait grevée de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui ne pourrait pas être récupérée, le montant de TVA non récupérable est exclu de l’assiette du C3IV.

Il en est de même des frais de toute nature, à l’exception des frais directement engagés pour la mise en état d’utilisation du bien (rémunération du personnel, coûts de préparation du site, frais de transport et d’installation, honoraires des architectes ou experts par exemple) qui peuvent être inclus dans l’assiette du C3IV.

  • Déduction des aides publiques (§140-150)

En application du IV de l’article 244 quater I du CGI, les aides publiques reçues au titre des dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites de l’assiette du C3IV.

Les aides publiques au sens du C3IV s’entendent comme toute aide financière non remboursable accordée par les institutions européennes, l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère industriel et commercial ou à caractère administratif qui sont alloués au financement des investissements éligibles. Il s’agit uniquement des aides, obtenues ou sollicitées, mentionnées dans la demande d’agrément (BOI-BIC-RICI-10-180-30).

[Note de Wavestone : la définition d’aide publique est donc distincte de la notion de subvention pour le CIR : l’aide est non remboursable et les organismes financeurs sont cités].

Seules les aides publiques afférentes à des investissements ouvrant droit au C3IV doivent être déduites.

Aussi, dans l’hypothèse où l’entreprise reçoit une aide afférente à un projet comportant des investissements ouvrant droit au C3IV et des investissements n’y ouvrant pas droit, seule la fraction de cette aide afférente aux investissements ouvrant droit au C3IV doit être déduite. Cette fraction est déterminée au prorata du montant des investissements ouvrant droit au C3IV ou bien au prorata de la durée d’utilisation. L’administration a proposé un exemple.

Le montant total du C3IV ne peut excéder 150 M€ par entreprise (hors zone spécifique).

Le respect de ce plafond s’apprécie en totalisant l’ensemble des C3IV obtenus par des entreprises qui ne sont pas considérées comme autonomes au sens du 1 de l’article 3 de l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 (§200).

Exemple : Soient A et B deux filiales non autonomes d’une même société, l’une est établie en France et l’autre en Allemagne. A détient également une filiale C non autonome établie en France. A et C poursuivent chacune un projet distinct de construction d’usine éligible au C3IV. B poursuit également un projet de construction d’usine sur son territoire d’implantation et obtient à ce titre une aide de l’Allemagne dans le cadre de la section 2.8 de l’encadrement temporaire de crise et de transition pour les mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie à la suite de l’agression de la Russie contre l’Ukraine (TCTF). Le montant de l’aide versé à B par l’Allemagne n’est pas retenu pour l’appréciation du plafond de C3IV. En revanche, le montant total des C3IV obtenus par A et C ne peut excéder le plafond prévu.

Lorsque plusieurs investissements sont réalisés dans des zones distinctes par des entreprises non autonomes, il convient de retenir le plafond le plus élevé.

Exemple 1 : Soient deux entreprises non autonomes A et B au sein d’un même groupe. L’entreprise A a un projet d’investissement situé dans une zone où le plafond d’aide est de 350 M€. Le taux du C3IV est de 40 %. L’entreprise B a un projet d’investissement dans une zone où le plafond d’aide est de 200 M€. Le taux du C3IV est de 25 %. Le plafond du cumul des deux C3IV est le plus élevé des deux plafonds, soit 350 M€.

Le plafond est en principe définitivement fixé selon les éléments présentés à la date de la décision d’agrément (BOI-BIC-RICI-10-180-30). Toutefois, lorsqu’un nouveau projet d’investissement est réalisé, la décision d’agrément attaché au nouveau projet peut avoir pour effet de relever le plafond applicable.

Exemple 2 : Une entreprise, qui n’est pas une PME, a un projet d’investissement de 700 M€ sis hors d’une zone d’aide à finalité régionale. Le plafond d’aide est de 150 M€ et le taux du C3IV est de 20 %. Le montant de C3IV accordé est de 140 M€ (700 M€ x 20 %). Cette même entreprise présente une seconde demande d’agrément pour un projet d’investissement de 400 M€ dans une zone d’aide à finalité régionale où le plafond d’aide est de 200 M€ et le taux de C3IV de 25 %. Le montant de C3IV avant application du plafond par entreprise est de 100 M€ (400 M€ x 25 %). Le montant du C3IV pouvant être accordé au titre de ce second projet d’investissement après application du plafond par entreprise est de 60 M€ (200 M€ – 140 M€). L’application du plafonnement aurait été semblable si les deux projets avaient été présentés dans la même demande d’agrément.
Exemple 3 : Une entreprise, qui n’est pas une PME, a un projet d’investissement de 800 M€ sis dans une zone d’aide à finalité régionale où le plafond d’aide est de 200 M€ et le taux du C3IV est de 25 %. Le montant de C3IV accordé au titre de cet investissement est de 200 M€ (800 M€ x 25 %). Cette même entreprise présente une seconde demande d’agrément pour un projet d’investissement sis hors d’une zone d’aide à finalité régionale où le plafond d’aide est de 150 M€ et le taux de C3IV est de 20 %. Le plafond de 200 M€ étant déjà atteint, l’entreprise ne peut pas bénéficier d’un C3IV au titre de ce second projet d’investissement. L’application du plafonnement aurait été semblable si les deux projets avaient été présentés dans la même demande d’agrément.

Il est donc recommandé de bien savoir si le plafond est déjà atteint par un projet avant de déposer une deuxième demande d’agrément.

BOI-BIC-RICI-10-180-30

La demande d’agrément doit intervenir avant la commande des investissements éligibles au C3IV ou avant leur mise en fabrication si l’entreprise les produit elle-même pour son propre compte.

Lorsque le plan d’investissement comprend des constructions immobilières, la demande d’agrément doit être déposée avant l’ouverture du chantier.

Lorsque le plan d’investissement comprend une occupation temporaire du domaine public constitutive d’un droit réel, la demande d’agrément doit être déposée avant la date de signature de la convention d’occupation temporaire du domaine public.

Des informations complémentaires peuvent être demandées en cas de renseignements insuffisants.

La demande d’agrément porte sur un plan d’investissement pour un projet défini. En cas de pluralité de projets, une demande d’agrément doit être déposée pour chacun des projets (§1).

Les taux et plafonds du C3IV atteignant les maxima prévus par l’encadrement TCTF, toute aide publique supplémentaire au titre des mêmes coûts admissibles conduirait au dépassement de ces maxima. L’entreprise s’engage donc à ne solliciter ni percevoir de subvention ou aide publique autre que celle(s) mentionnée(s) dans sa demande d’agrément (§10).

Les décisions de refus sont motivées (§20).

Les sociétés qui souhaitent contester une décision de refus doivent déposer un recours devant le Tribunal administratif compétent dans un délai de deux mois à compter de sa réception (§30).

Retrait de l’agrément

L’agrément accordé est susceptible d’être retiré, notamment dans les cas suivants :

  • Renseignements inexacts fournis dans le dossier de demande ;
  • Recueil a posteriori d’éléments permettant d’établir que les prévisions établies dans le plan d’investissement ne reposaient pas sur une évaluation sincère de l’entreprise (§40).

BOI-BIC-RICI-10-180-40

Le C3IV s’applique par fractions au titre des exercices ou des années au cours desquels les dépenses du plan d’investissement agréé sont engagées, en appliquant à ces dépenses le taux de crédit d’impôt mentionné dans la décision d’agrément.

Chaque fraction du C3IV est imputée sur l’impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l’année au cours de laquelle les dépenses mentionnées dans le plan d’investissement sont engagées ou sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’exercice au cours duquel ces dépenses sont engagées.

Pour les entreprises qui ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés, quelle que soit la date de clôture des exercices et quelle que soit leur durée, la fraction du C3IV est calculée par référence aux dépenses engagées au cours de la dernière année civile écoulée (§10).

En cas de fusion ou d’opération assimilée intervenant au cours de la période durant laquelle les dépenses du plan d’investissement sont engagées, la fraction de la créance qui n’a pas encore été imputée par la société apporteuse est transférée à la société bénéficiaire de l’apport. Ce transfert n’est pas subordonné à la condition que l’opération de fusion ou assimilée ait bénéficié du régime de faveur (§40).

En cas d’apport partiel d’actifs, seule la fraction de la créance afférente à l’activité apportée est transférée à la société bénéficiaire de l’apport (§50).

La société mère est substituée aux sociétés du groupe pour l’imputation sur le montant de l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable au titre de chaque exercice des crédits d’impôt dégagés par chaque société du groupe.

En revanche, le crédit d’impôt afférent à un exercice antérieur à l’entrée dans le groupe fiscal, qui ne peut être transmis à la société mère du groupe, est utilisé par la société filiale (§60).

Les entreprises doivent déclarer le C3IV sur la déclaration des réductions et crédits d’impôt n° 2069-RCI-SD (§110, 120 et 130).

Pour les entreprises soumises à l’IS, non membres d’un groupe fiscal, elles mentionnent sur le relevé de solde n°2572-SD le montant de la fraction de C3IV imputé sur l’impôt sur les sociétés et sur la demande de remboursement de créances n°2573-SD , le montant de la fraction de C3IV qui n’a pas pu être imputé.

La société mère doit souscrire les déclarations des réductions et crédits d’impôt n° 2069-RCI-SD de chacune des sociétés membres du groupe, y compris sa propre déclaration déposée au titre de son activité, lors du dépôt de la déclaration relative au résultat d’ensemble du groupe. Elle porte le montant total des fractions de C3IV pour l’ensemble des sociétés membres du groupe sur le relevé de solde 2572-SD relatif au résultat d’ensemble du groupe (§140).

L’agrément peut être retiré en cas d’inexécution des engagements souscrits en vue d’obtenir l’agrément préalable ou le non-respect des conditions posées par la loi. Cette situation entraîne la déchéance des avantages fiscaux qui y sont attachés assortis de l’intérêt de retard décompté de la date à laquelle ces impôts auraient dû être acquittés.

Par dérogation, le ministre chargé du budget est autorisé à limiter les effets de la déchéance à une fraction du montant du C3IV accordé.

En outre, l’avantage fiscal n’est pas repris lorsque les investissements aidés sont transmis dans le cadre des opérations mentionnées à l’article 210 A du CGI [fusion] ou à l’article 210 B du CGI si le bénéficiaire de la transmission s’engage à en maintenir l’exploitation dans le cadre d’une activité éligible pendant la fraction du délai minimal d’exploitation restant à courir.

Néanmoins, lorsque le bénéficiaire du C3IV se rend coupable, postérieurement à la date de l’agrément, d’une infraction fiscale reconnue frauduleuse par une décision judiciaire ayant autorité de chose jugée, il est déchu du bénéfice du C3IV et les impôts dont il a été dispensé depuis la date de l’infraction deviennent immédiatement exigibles, sans préjudice de l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du CGI et décompté de la date à laquelle ils auraient dû être acquittés (§150).