[Jurisprudence CIR] Une société ne peut pas demander à requalifier ses projets CIR en CII passée la notification de la réponse aux observations du contribuable
Dans une décision du 23 octobre 2024, EURL Laguerre Chimie, le Conseil d’État juge que lors d’un contrôle fiscal, un nouvel argument ne peut être introduit devant l’administration passé le stade des échanges contradictoires qui prend fin à la notification de la réponse aux observations du contribuable. Ainsi, une société ne peut demander au stade du recours hiérarchique à faire bénéficier du crédit d’impôt innovation (CII) certains de ses projets dont l’éligibilité au CIR avait été remise en cause.
Les faits
La société requérante, qui exerce une activité de développement et de fabrication de produits chimiques pour l’industrie et le secteur de bâtiment, a subi un contrôle à la suite duquel l’administration fiscale a rejeté l’éligibilité au CIR des projets pour lesquels ils avaient été déclarés.
Après réception de cette proposition de rectification, la société a demandé à être reçue par le supérieur hiérarchique du vérificateur. À l’issue de cet entretien, ce dernier a finalement maintenu le bénéfice du CIR pour certains projets, mais a rejeté la demande de la société tendant à faire bénéficier du CII quatre projets, dont elle n’avait jamais fait part auparavant.
La société a donc saisi la justice afin d’obtenir l’admission du CII pour ces quatre projets.
En appel, la Cour administrative d’appel de Douai a fait droit à sa demande en jugeant qu’en refusant de faire procéder, au stade du recours hiérarchique, à l’examen de sa demande tendant au bénéfice du CII pour certains de ses projets, l’administration avait commis une irrégularité de procédure qui a privé la société requérante des garanties prévues par les dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié.
L’administration s’est pourvue en cassation, devant le CE.
Le jugement du Conseil d’État
Le Conseil d’État rappelle que, selon les dispositions des articles L.10, L.47 du Livre des procédures fiscales (LPF) et de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, si la société contrôlée a le droit de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur après la réponse faite par l’administration fiscale à ses observations sur la proposition de rectification, cette rencontre n’a pas pour but la poursuite des échanges contradictoire (qui s’achèvent avec la notification de la réponse aux observations du contribuable).
Par conséquent, « Le contribuable ne saurait demander pour la première fois, dans le cadre du recours hiérarchique prévu par ces dispositions, à bénéficier d’un dispositif fondé sur d’autres dispositions législatives que celles qui étaient en débat devant le vérificateur. »
Le Conseil d’État rejette donc la requête de la société.
Notre analyse
Lors d’un contrôle fiscal, les entreprises ont la possibilité de saisir le supérieur hiérarchique de l’agent en charge des vérifications. On parle alors de recours hiérarchique.
Toutefois, il est important de retenir que cet entretien n’a pas la même nature que le dialogue avec l’agent vérificateur. Il ne s’agit pas, à ce stade, d’ouvrir de nouveau les échanges contradictoires qui s’achèvent avec la notification de la réponse aux observations du contribuable.
Par conséquent, lors du recours hiérarchique, la société ne peut ni présenter de nouveaux arguments, ni en demander la modification de la base légale. Il en est de même pour l’administration, ainsi que l’avait déjà jugé (Conseil d’État, 16 novembre 2022, SNC Ventimo, 462278).
Source : Conseil d’État, 23 octobre 2024, EURL Laguerre Chimie, 469431