PLF 2025 – Les débats sur le CIR à l’Assemblée nationale : entre attractivité économique et pistes de réformes

Le projet de loi de finances est actuellement en cours d’examen au Sénat. Le texte déposé au Sénat est celui du gouvernement et ne contient pas les modifications votées à l’Assemblée nationale. Le CIR y a toutefois été largement discuté par les députés, notamment lors des sessions du 6 novembre.

Les débats ont révélé des clivages idéologiques et des approches variées, reflétant les priorités des différents groupes politiques :


Critique du CIR actuel

Les écologistes dénoncent une distribution indifférenciée, estimant que le CIR profite à des projets pouvant être défavorables à l’environnement.

Proposition principale : Verdissement du CIR

Les députés écologistes, notamment Eva Sas, proposent de réorienter le CIR pour favoriser les projets contribuant à la transition écologique. Ils défendent une modulation du taux : 30 % pour les projets verts, contre 20 % pour les autres. Ils s’appuient sur les six objectifs environnementaux de la taxonomie verte européenne.

« Une telle mesure constituerait un premier pas vers une réorientation du CIR, afin qu’il serve la transition écologique au lieu d’être distribué de façon indifférenciée. » (source)


Critique du CIR actuel

Éric Coquerel, président de la Commission des finances et député LFI, critique vivement le CIR, qu’il considère comme une niche fiscale favorisant les grandes entreprises au détriment des PME et de l’emploi. Il cite notamment Sanofi, bénéficiaire de 1 milliard d’euros en 10 ans malgré des fermetures de laboratoires et des suppressions de postes.

« Les cinquante plus gros bénéficiaires, soit 0,17 % des entreprises, représentent 43 % du coût de la niche fiscale. » (source)

Propositions : Conditionnalité et contrôle

LFI plaide pour une réforme profonde du CIR (« Compte tenu des défauts du CIR, il faut que nous envoyions un signal dès cette année »), conditionnant son bénéfice au maintien de l’emploi et à des obligations claires en matière d’innovation. Le député Nicolas Sansu critique l’aspect déclaratif du CIR, qu’il juge insuffisamment contrôlé.

Cette prise de position a également été exprimée par l’ensemble du groupe LFI, qui a déposé récemment une proposition de résolution visant à la création d’une commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics, et notamment des montants de CIR, dont l’entreprise Michelin a bénéficié [voir notre article à ce sujet].


Critique du CIR actuel

Les Socialistes partagent certaines préoccupations de LFI, estimant que le CIR bénéficie trop aux grandes entreprises. Ils appellent à un recentrage du dispositif sur les PME et sur des projets innovants.


« Le CIR doit bénéficier prioritairement aux PME et être lié à des engagements en termes d’innovation et de maintien de l’emploi. »

« Selon un rapport de France Stratégie de juin 2021, le CIR a certes des effets positifs qui restent modérés sur les activités privées de R&D et principalement concentrés sur les très petites, petites et moyennes entreprise (TPE et PME). À l’inverse, il n’aurait pas d’impact significatif pour les grandes entreprises. » (source).

Propositions : Ajustements progressifs

Les Socialistes ne proposent pas de refonte radicale immédiate, mais appellent à des ajustements progressifs, en maintenant le CIR comme un outil économique stratégique.

A titre d’exemple, ils ont porté un amendement visant à supprimer le taux de 5 % du CIR et d’abaisser le plafond de dépenses de R&D de 100 millions d’euros à 20 millions d’euros avec un taux à 30 % inchangé. Ils envisageaient toutefois de maintenir un plafond de 100 millions d’euros mais de  l’appliquer au niveau du groupe d’entreprises.


Approche pragmatique du CIR actuel

Les députés centristes et de droite soutiennent le CIR comme un levier essentiel pour l’attractivité et la compétitivité de la France. Ils estiment que toute réforme immédiate serait contre-productive. En particulier Madame Véronique Louwagie (députée Droite Républicaine) estime « qu’il faut travailler sur le » CIR mais que ce n’est pas la bonne année pour le faire, étant donné les contributions nouvelles mises à la charge des entreprises. Elle reconnait aussi que, chose nouvelle, tous les partis reconnaissent qu’il faut faire évoluer le dispositif.

Quant à Daniel Labaronne (député EPR), il rappelle la compétition internationale qui s’est enclenchée en matière de soutien à la R&D et insiste sur le fait qu’abandonner le CIR reviendrait à faire délocaliser la recherche.


« Le verdissement du CIR est une piste intéressante [mais l’adoption de cet amendement] engendrerait une complexité considérable pour les entreprises et pour l’administration fiscale. » (Charles de Courson, rapporteur général)​ (source).

Évaluation préalable avant toute réforme

Les centristes, notamment Charles de Courson (député LIOT et rapporteur général du budget), insistent sur la nécessité d’une évaluation précise des effets du CIR avant d’envisager des ajustements. Ils s’opposent à toute mesure qui pourrait nuire à l’attractivité économique. Cependant, Charles de Courson est personnellement favorable à la création d’un taux de CIR intermédiaire sur la tranche de 50 à 100 millions de dépenses (il avait déjà déposé un amendement en ce sens).


Maintien du CIR en l’état tout en restant ouvert à des ajustements

Le gouvernement, représenté par Laurent Saint-Martin (ministre chargé du budget et des comptes publics), s’oppose aux amendements visant à modifier le CIR. Il défend le dispositif comme un outil clé pour l’innovation et la recherche en France, privilégiant la stabilité pour ne pas compromettre l’attractivité économique. Il rappelle que 80% des bénéficiaires sont des TPE-PME.

Le ministre s’est toutefois montré prêt à accepter quelques concessions en faveur d’une réforme du dispositif : « On peut considérer qu’à partir d’un certain montant, il conviendrait de restreindre le périmètre des dépenses éligibles, comme le proposait le rapport Chouat-Pirès Beaune. » (source). Pour rappel, il en avait été le rapporteur général (voir notre article à ce sujet).


  • Consensus sur la nécessité d’évaluer le CIR :

Même les partisans du statu quo, comme Charles de Courson, reconnaissent qu’un état des lieux précis est nécessaire pour mesurer l’efficacité et les impacts réels du dispositif.

  • Critique récurrente de l’utilisation du CIR par les grands groupes :

Les grands groupes bénéficiaires sont régulièrement cités comme exemples d’abus du CIR notamment par les députés NFP, justifiant des appels à des réformes conditionnant son attribution.

  • Opposition partagée à une réforme immédiate :

Les centristes, la droite et le gouvernement s’accordent sur la nécessité de maintenir le CIR tel qu’il est à court terme pour éviter des effets négatifs sur les entreprises.

  • Il existe en revanche un clivage sur les nouvelles priorités à donner au CIR
    • LFI, socialistes et écologistes : Réclament une réorientation stratégique pour aligner le CIR sur des objectifs sociaux et environnementaux.
    • LIOT, HORIZONS, LR et gouvernement : Défendent la stabilité pour préserver l’attractivité économique, mettant en garde contre les impacts négatifs d’une réforme précipitée.

    Sources :