[Analyse] Auditions au Sénat des PDG Renault & Michelin : Les défis de la filière automobile et le rôle du financement public
Les deux leaders de la construction automobile et des pneumatiques apportent une analyse pertinente d’un secteur en pleine transformation. Ils identifient le maintien des financements publics comme un enjeu majeur pour l’innovation en France.
L’innovation, le financement de la recherche ou encore la transition de l’industrie automobile : autant d’enjeux majeurs abordés par les commissions d’enquêtes du Sénat pour les affaires économiques ces dernières semaines. Les auditions de Monsieur Florent Menegaux, PDG de Michelin, le 22 janvier 2025, ou encore de Monsieur Luca De Meo, PDG de Renault, le 4 février 2025 illustrent les défis de taille qui attendent la filière, dans une période marquée par une compétition internationale accrue et par de nombreux bouleversements règlementaires. Ces auditions sont l’occasion pour les deux hommes de partager leur vision du secteur et leur analyse du financement de l’innovation pour les industriels.
Une industrie automobile en difficulté
Les filières automobiles françaises et européennes font actuellement face à de nombreuses difficultés, dans une période où elles visent à se réinventer :
- L’intensification de la concurrence : Pour Michelin comme pour Renault, l’émergence de concurrents asiatiques se traduit par des pertes de parts de marché conséquentes, avec l’arrivée de nouveaux manufacturiers de pneumatiques chinois mais aussi des voitures électriques chinoises comme celles du fabricant BYD, bénéficiant de subventions massives.
- Une réglementation évolutive et contraignante : dans un contexte d’effort de décarbonation européen, l’entrée en vigueur de réglementations est un facteur de complexité pour les industriels (baisse des émissions des véhicules neufs, obligation de vendre 50% de véhicules électriques d’ici à 2030, interdiction de la commercialisation du DIESEL en 2035 avec la loi CAFE pour Renault, traçabilité du caoutchouc avec l’EUDR pour Michelin etc.)
- L’augmentation des prix de l’énergie : industrie chimique et manufacturière, la filière automobile est très consommatrice d’énergie, et la hausse des prix de l’électricité et du gaz freine le développement
Ces tensions et la perte de compétitivité résultante se répercutent sur le marché de l’emploi de la filière, avec par exemple la fermeture des sites de Vannes et Cholet pour Michelin.
La nécessité du financement de la recherche et du maintien du CIR :
Monsieur De Meo comme Monsieur Menegaux mettent en avant l’innovation comme la piste clé pour le développement de la filière. Le Crédit d’Impôt Recherche (CIR) est notamment présenté comme un dispositif essentiel pour les deux industriels. Monsieur De Meo soulève l’importance financière que revêt le CIR pour le groupe (134 millions d’euros en 2024). Selon lui, le CIR est un dispositif majeur qui « permet de maintenir 75% de la R&D de Renault en France » et qui doit être maintenu pour pérenniser de la recherche du groupe sur le territoire national.
Mr Menegaux évoque de son côté le rôle essentiel du CIR pour le maintien de la R&D en France. Le dispositif fiscal rend en effet les chercheurs français plus compétitifs dans le temps long, réduisant leur coût de presque 30% : si un chercheur français coûte 100 contre seulement 84 et 56 pour ses collègues allemands et espagnols, le CIR le ramène à un coût de 72. Pour Monsieur Menegaux le CIR accélère et stabilise les efforts de recherche de Michelin : les 40 millions de CIR attribués par an au groupe constituent un argument de taille pour le maintien des activités R&D en France. Un plaidoyer qui met en garde sur les conséquences d’une réduction du CIR : pour un groupe international comme Michelin, qui doit justifier à ses actionnaires étrangers le choix de la France comme centre de R&D, un changement de situation fiscale compromettrait le maintien sur le territoire national.
Des perspectives de réindustrialisation pour l’industrie Française :
Les deux géants industriels Français illustrent un marché de l’industrie automobile en pleine transformation vers le véhicule électrique. Le plan Renaulution recentre l’activité de Renault sur l’ingénierie Française pour de nouveaux véhicules électriques et connectés, tandis que Michelin bien qu’actif sur ces chantiers, évoque aussi une diversification (voile maritime, spatial…). Malgré des stratégies divergentes, le rôle de l’innovation est clé pour la pérennité du secteur : IA, robotisation, productivité… Les stratégies de développement de ces activités nécessiteront d’intenses efforts de recherche, et d’investissements. Les politiques publiques de support à ces chantiers impacteront leurs modalités.