[Etude] Start-ups innovantes : la France, leader européen du financement selon l’OEB
En 2024, la France confirme sa position de deuxième déposant européen de brevets auprès de l’Office Européen des Brevets (OBE). Derrière ce résultat solide, les données révèlent des dynamiques sectorielles variées, une concentration autour de grands groupes et une émergence continue des PME innovantes.
Une lecture croisée des chiffres publiés par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) et l’OEB permet de mieux comprendre les leviers actuels de l’innovation en France et les perspectives qui s’ouvrent pour renforcer cet écosystème.
Une position européenne affirmée, dans un contexte d’innovation stable
Avec près de 11 000 demandes de brevets déposées à l’OEB en 2024, la France conserve sa place de deuxième pays européen, derrière l’Allemagne (25 000) et devant la Suisse (10 000).
Cette performance s’accompagne d’une hausse de +1,1 % sur un an, dans un contexte de stagnation générale en Europe (+0,3 %).Pour Yann Ménière, chef économiste de l’OEB, cette faible évolution marque une phase de stabilisation. Selon lui, le rythme habituel, légèrement supérieur à la croissance économique, semble désormais révolu suggérant un palier dans la dynamique d’innovation.
Des secteurs moteurs, aux dynamiques contrastées
La performance française repose sur certains secteurs industriels structurants. En 2024, les transports se démarquent avec plus de 1 100 demandes de brevets, suivis par l’informatique (environ 800) et les technologies médicales (750). Des acteurs comme Safran, Valeo, Stellantis ou encore L’Oréal figurent parmi les principaux déposants, illustrant la capacité d’innovation continue de ces grands groupes industriels.
Certains domaines montrent une croissance marquée par rapport à l’année précédente : la chimie de base avec une hausse significative de +25 % des dépôts en un an, portée par des efforts en matière de transition énergétique et de matériaux avancés. Également, dans les sciences de la vie, deux institutions françaises se distinguent : Sanofi entre dans le top 50 mondial des déposants à l’OEB, et l’INSERM devient le premier déposant mondial à l’OEB dans le domaine de la pharmacie.
Cependant, cette performance sectorielle s’accompagne de nuances : malgré ces réussites, les dépôts dans la pharma et la biotechnologie reculent respectivement de -2,4 % et -9,9 %. Malgré les efforts de Sanofi, de l’Inserm ou encore de startups innovantes dans les biotechs, ces secteurs peinent à retrouver leur niveau d’avant-Covid. Cela interroge sur la capacité du système français à soutenir l’innovation en santé, à un moment où les investissements publics massifs dans ce domaine (France Santé 2030, accélérateurs deeptech) devraient justement porter leurs fruits.
Emmanuel Potdevin, Président de la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, soulignait justement dans Décideurs Magazine, que la fin de la valorisation au CIR en 2025 des dépenses liées aux brevets risquait de freiner la protection intellectuelle française.
PME et innovation : des signaux d’accélération
Un fait notable de l’année 2024 est l’entrée de deux PME françaises dans le top 50 des plus grands déposants de brevets en France, selon l’INPI. La première, Genvia, issue du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), développe des électrolyseurs à oxyde solide permettant une production d’hydrogène bas carbone plus performante. La deuxième est Verkor et conçoit des batteries lithium-ion à haute densité pour la mobilité électrique, avec une approche industrielle et durable. Leur présence dans ce classement reflète le dynamisme de l’innovation deeptech en France sur des filières clés de la transition énergétique.
Plus largement, les PME représentaient 19 % des dépôts de brevets en 2023, contre 17,7 % en 2019. Cette dynamique traduit un écosystème entrepreneurial de plus en plus actif dans l’innovation de rupture, même si les grands groupes dominent encore le volume total : ils composent les 20 premiers déposants avec 53 % des brevets déposés en France.
Notons que le dépôt de brevet reste une démarche coûteuse, technique et chronophage pour une PME. L’accompagnement, qu’il soit public (via Bpifrance, France 2030) ou privé (via cabinets de conseil en innovation), est plus que jamais crucial pour transformer l’idée en valeur économique protégée.
Un ancrage régional fort mais concentré
La région Île-de-France continue de jouer un rôle central, avec plus de 7 100 dépôts, soit près des deux tiers du total national. Toutefois, plusieurs pôles régionaux affichent des spécialités technologiques affirmées :
Lyon et Grenoble (Auvergne-Rhône-Alpes) se distinguent dans la santé, chimie et électronique.
Toulouse et l’Occitanie s’imposent dans les transports, notamment l’aéronautique avec des entreprises comme Airbus.
Préconisations des experts du domaine
Les données et analyses fournies par l’INPI et l’OEB permettent d’identifier plusieurs leviers d’action concrets selon les experts :
- Soutenir les filières biotech et pharmaceutiques, au-delà des grands groupes, pour renforcer la base industrielle de ces secteurs à potentiel.
- Accompagner la montée en puissance des PME et ETI innovantes, via des dispositifs ciblés de financement, protection intellectuelle et internationalisation.
- Stimuler les écosystèmes régionaux d’innovation, en valorisant les savoir-faire locaux et en favorisant la collaboration entre industrie, recherche publique et start-up.
- Poursuivre les efforts dans les secteurs en forte croissance, comme la chimie de base et les sciences de la vie ainsi que dans les secteurs leaders tels que le transport et l’informatique.
Conclusion : une innovation robuste, mais sous tension
La France consolide sa place d’acteur majeur de l’innovation en Europe, portée par ses champions industriels mais aussi par un tissu de PME de plus en plus mature sur les enjeux de propriété intellectuelle. Si certains secteurs tirent clairement la dynamique, d’autres appellent à une vigilance stratégique.
Dans un monde où la valeur des entreprises repose de plus en plus sur leurs actifs immatériels, le brevet devient un enjeu de souveraineté économique autant qu’un outil de compétitivité. La France possède les talents, les outils et les structures pour rester dans la course. À condition de continuer à simplifier, accompagner et valoriser.
Sources
Chiffres clés INPI 2024 : les dépôts de titres de propriété industrielle se consolident
La France, deuxième au classement européen des demandes de brevets à l’OEB !
Le « palmarès 2024 des déposants de brevets » est en ligne ! | INPI.fr