[Jurisprudence CIR] Les immobilisations dans le CIR : l’appréciation du caractère neuf et le rattachement à des projets R&D
Deux affaires nous intéressent ici, chacune traitant d’un point de calcul des dotations aux amortissements dans le CIR, rarement traité dans la jurisprudence.
Dans la première, du matériel génétique acheté par une société et utilisé pour un projet R&D a été validé par le Conseil d’Etat alors que la CAA de Bordeaux notait que le caractère neuf de l’immobilisation n’était pas présent.
La société Ragt Semences, société mère d’un groupe fiscalement intégré auquel appartient la société Ragt 2N (qui exerce une activité de recherche en vue de la création de nouvelles variétés des principales espèces de semences de grande culture) a déclaré des dépenses de recherche pour lesquelles l’administration fiscale a fait partiellement droit aux demandes de remboursement de sa créance de CIR après imputation sur l’impôt sur les sociétés des trois dernières années. Seules des dotations aux amortissements liées à la valeur d’un élément d’actif ont été refusées au CIR.
La société Ragt Semences se pourvoit en cassation contre les deux arrêts par lesquels la CAA de Bordeaux a rejeté ses appels.
La société Ragt 2N a acquis auprès d’un fournisseur, au prix de 17 650 568 euros, du matériel génétique végétal constitué de graines, de plants, de plantes, de cellules germinales et d’autres matériels héréditaires. Ce matériel génétique a été immobilisé à l’actif de la société Ragt 2N. L’administration fiscale a exclu de la base de calcul du CIR les dotations aux amortissements afférentes à cet actif ainsi que les frais de fonctionnement forfaitaires correspondants pour la raison suivante : en appréciant que la société Ragt Semences ne justifiait pas que les travaux menés par sa filiale sur l’actif se situeraient dans la stricte continuité méthodologique et scientifique de ceux déjà engagés par la société fournisseur Serasem, la CAA de Bordeaux a jugé que les dotations aux amortissements liées à cet élément d’actif ne satisfaisaient pas à la condition de nouveauté applicable aux immobilisations créées ou acquises (critère demandé par l’article 244 quater B du code général des impôts sur le CIR).
Le Conseil d’Etat juge que la cour a commis une erreur de droit en statuant ainsi, alors que la seule circonstance que les travaux menés par la société Ragt 2N sur cet actif se situeraient dans la stricte continuité méthodologique et scientifique de ceux déjà engagés par la société Serasem ne faisait pas obstacle à ce que cet élément d’actif immobilisé soit regardé comme acquis à l’état neuf.
Il résulte donc que la société Ragt Semences est fondée à demander l’annulation des arrêts de la CAA de Bordeaux.
Source : Conseil d’État, 9ème chambre, 27/01/2023, 460229, société Ragt Semences
Dans la seconde affaire, la CAA de Toulouse a statué sur deux points liés aux dotations aux amortissements :
- Dans le premier, la société requérante soutenait que les dotations aux amortissements afférentes à des immobilisations affectées à son laboratoire de recherche, telles que des aménagements extérieurs et des mobiliers de rangement devaient être admises dans la base de son CIR, ces matériels étant selon elle directement affectés aux opérations de recherche. Toutefois, faute de préciser les matériels ayant donné lieu aux dotations aux amortissements en litige, la société ne met pas la cour à même d’apprécier la portée de sa demande.
- Il est essentiel d’apporter du détail dans les immobilisations retenues au CIR, plutôt que de mentionner un regroupement de matériels ou d’aménagements, ce qui a peut-être été le cas ici.
- Pour le second point, l’administration a refusé d’admettre la prise en compte des dotations aux amortissements au prorata de 4,69 %, afférentes à des matériels industriels affectés à l’activité de production de la société requérante. Celle-ci soutenait que ce prorata correspondait à l’utilisation de ces matériels pour la réalisation d’essais dans le cadre de ses opérations de recherche et qu’il n’était pas excessif compte tenu du nombre de ses projets de R&D. Toutefois, la société n’a produit qu’une liste comportant le montant de dotations aux amortissements afférents à des matériels industriels et le montant résultant de l’application de ce prorata, ainsi que des demandes d’essai, dont, relève la cour, on ignore les destinataires et les matériels concernés.
Elle ne justifie ainsi ni que les matériels en cause ont été affectés directement à la réalisation d’opérations de recherche ni, le cas échéant, qu’ils l’ont tous été dans une proportion identique de 4,69%. - Expliquer la méthode de calcul du pro-rata aurait permis à la cour de juger du bien-fondé de cette méthode, et de savoir si oui ou non il était justifié de l’appliquer à l’ensemble des immobilisations concernées.
Source : CAA de TOULOUSE, 1ère chambre, 16/03/2023, 21TL01556, société Hexis