[Jurisprudence CIR] Quelles sont les conditions auxquelles un organisme de recherche agréé peut bénéficier du CIR pour des travaux liés à un contrat de prestation ?
Dans un arrêt du 24 janvier 2025, la Cour administrative d’appel de Paris précise que des travaux de R&D réalisés pour répondre à des commandes clients peuvent ouvrir droit au CIR si le prestataire engage ces dépenses pour ses propres besoins de recherche, même s’ils sont intégrés dans une prestation plus large d’ingénierie. Il s’agit d’une clarification importante pour les organismes combinant prestations de services et innovation.
Les faits
La société Assystem, via sa filiale Assystem France (AFR), a inclut des dépenses de recherche dans le calcul de son CIR pour les années 2011 et 2012. Il est à noter que cette filiale est un organisme de recherche privé agréé.
L’administration fiscale a contesté cette inclusion, estimant que certaines de ces dépenses, issues de prestations pour des clients, n’étaient pas éligibles au motif qu’elles auraient été exposées dans l’intérêt de ces donneurs d’ordres.
Le jugement de la Cour
La Cour administrative d’appel a jugé que certaines dépenses réalisées par Assystem France étaient bien éligibles au CIR, même si elles découlaient de commandes client.
Elle rappelle tout d’abord les dispositions de l’article 244 quater B du code général des impôts (CGI) selon lesquelles :
- Les sommes versées à des organismes de recherche privés agréés par des entreprises qui bénéficient du CIR peuvent être considérées comme des dépenses éligibles pour ces entreprises;
- Cependant, les organismes sous-traitants de recherche ne peuvent inclure ces mêmes dépenses dans leur propre calcul du CIR, même si l’entreprise donneuse d’ordre ne les utilise pas dans son assiette, que ce soit en raison de plafonds légaux ou d’un choix volontaire;
- En revanche, les organismes de recherche peuvent inclure dans leur CIR les dépenses qu’ils engagent pour leur propre compte, même si ces recherches sont liées à des prestations réalisées pour un client, tant qu’elles respectent les critères d’éligibilité. Les sommes facturées aux clients ne sont pas éligibles pour ces derniers.
La Cour a ensuite souligné que les travaux facturés relevaient de prestations d’ingénierie globales avec une obligation de résultat aboutissant à la remise d’un livrable déterminé et que la R&D engagée était nécessaire à la livraison des produits ou services convenus.
De plus, ces activités de recherche avaient été menées pour le compte propre de la société, conformément aux critères d’éligibilité du CIR, et avaient été correctement justifiées par des rapports techniques. Il ne s’agissait donc pas de prestations de sous-traitance de recherche (le client n’avait de plus pas valorisé les factures dans son propre CIR) mais bien de la livraison d’un résultat tel que défini par les cahiers des charges.
Elle en conclut que, à l’occasion de la réalisation de ces livrables inhérents à la prestation de service, la société requérante a été amenée à réaliser des opérations de R&D éligibles.
Analyse
Cet arrêt indique qu’un organisme de recherche peut bénéficier du CIR pour des travaux de recherches liés à un contrat de prestation.
La question est de savoir si le prestataire a engagé des travaux de R&D pour répondre à la demande de son client, quand bien même cette demande s’apparente à de l’ingénierie comme le précisent les juges (distinction entre sous-traitance en R&D et prestations d’ingénierie).
Il est également intéressant de noter que la notion d’obligation de résultat a ici été utilisée au bénéfice de la société requérante, alors qu’il a souvent été considéré que l’existence d’une obligation de résultat excluait par principe la R&D au regard de la composante d’incertitude qu’elle implique.